Les yeux levés au ciel, Jésus priait – homélie procession et messe Madonne de Biancavilla

Samedi 11 mai 2024 – Pâques 7  – 17h Procession avec la Madonne de Biancavilla – 18h Messe aux Cordeliers – 

« Les yeux levés au ciel, Jésus priait. » Nous aussi nous avons été heureux de prier aujourd’hui en processionnant avec Marie. C’est une grâce que la communauté italienne de Gap, ait proposé une Visitation de la Madonna de Biancavilla, au coeur d’une année de la prière ouverte par le pape François le 21 janvier dernier. Il disait : « Les prochains mois nous conduiront à l’ouverture de la Porte Sainte (le 24 décembre 2024), avec laquelle nous commencerons le Jubilé. Je vous demande d’intensifier la prière pour nous préparer à bien vivre cet événement de grâce et à expérimenter la puissance de l’espérance de Dieu. (Cette) année (est) consacrée à la redécouverte de la grande valeur et de l’absolue nécessité de la prière dans la vie personnelle, dans la vie de l’Église et dans le monde. » Et on l’a entendu dans le chapitre 17 de saint Jean, aussi dans la vie de Jésus. Détaillons cette prière de Jésus. Elle comporte une adresse au Père, puis 4 demandes.

Une adresse au Père

« Père saint » Dans la retraite préjubilaire sur le Notre-Père que je prêche dans les paroisses, je fais remarquer que c’est la grande nouveauté apportée par Jésus. Il appelle Dieu Père. Aucun juif, aucun païen n’avait jamais osé le faire. Pour Jésus, Dieu est essentiellement « le Père », à qui il s’adresse même familialement en disant Abba, Papa ! De plus, seul Jésus peut appeler Dieu absolument Père. Nous, comme il nous l’a enseigné, nous disons NOTRE Père, comme membres de l’Eglise, ses enfants d’adoption. Mais notre expérience de paternité comme fils ou comme père a pu être blessée. Il faut être attentif à ne pas projeter sur Dieu le père ce que nous avons vécu avec notre père terrestre ; c’est même l’inverse : toute paternité authentique vient de Dieu. Le père humain est en effet père avec des limites, en particulier, un homme devient père ; Dieu est Père. Mais comme pur esprit, il n’a pas de visage. Sa miséricorde passe par d’autres. 

Regardons maintenant la Madonna de Biancavilla. 

Contemplant cette icône, son visage apaisant est le reflet de la Miséricorde divine, et on admire la confiance de l’enfant-Jésus. Il est joue contre joue avec sa mère. Il a une confiance totale. On comprends alors pourquoi les Biancavillais ont une confiance totale dans la Madonna depuis 1482. En effet, à la suite de la victoire des Turcs sur la terre gréco-albanaise, des réfugiés débarquent en Sicile, apportant leur trésor le plus précieux : une icône byzantine. Ils s’arrêtent à environ 30 km de Catane. Selon la tradition, après avoir planté le camp, ils ont accroché l’icône à un figuier. Le matin, au moment de reprendre le voyage, ils retrouvent leur icône grandie et entièrement emmêlée entre les branches de l’arbre ; au point qu’ils n’ont pas pu la démêler. L’événement prodigieux a été interprété comme la volonté claire de la Mère de Dieu, qui les avait guidés sur le chemin, de rester dans cet endroit, où le petit groupe pourrait trouver une nouvelle patrie. C’est ainsi que s’installa une colonie grecque albanaise dans ce qui deviendra Biancavilla. Depuis la vierge ne cessa de faire des miracles, protégeant la ville de la sécheresse, de la peste, des éruptions de l’Etna, des tremblements de terre, des destructions de la seconde guerre mondiale.

Les experts disent que la technique, le style, les détails, les sources historiques et traditionnelles permettent de dater l’icône au début du XVe siècle. Le titre “Mater Elemosinae”, traduit le grec “Eleùsa”, miséricordieuse, qui a compassion : Marie Mère de Miséricorde. Cette appellation a été attribuée pour la première fois par saint Odon, second abbé de Cluny, mort en 942, pour célébrer la Vierge qui a engendré Jésus. Jésus est la Miséricorde visible de l’invisible Dieu miséricordieux : c’est pourquoi Marie, en tant que Mère du Christ, est aussi Mère de la Miséricorde, qui offre à travers ses bras le salut de tous les hommes et intercède puissamment. Pour les Biancavillais, ND de la miséricorde est aussi le symbole de l’accueil, comme leurs ancêtres avaient été accueillis, et comme ils ont été accueillis ici dans les Hautes-Alpes. Pour cette raison aussi, le pape François avait choisi cette icône de Mater Misericordiae comme icône du Jubilé de la Miséricorde.


(Suite de l’homélie non prononcée, car la première partie a été traduite en italien)

Reprenons la prière de Jésus. Il a 5 demandes au Père :

1ère demande : garde mes disciples unis dans ton nom

Cela nous rappelle la 1ère demande du NP «  que ton nom soit sanctifié » ; qui nous rappelle elle-même le deuxième commandement du Décalogue : « tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal » (Ex. 20, 7). Le nom est bien plus qu’une simple appellation. Le nom de Dieu, c’est Dieu lui-même. Quand Yahvé révèle son Nom à Moïse dans le buisson ardent en Ex 3:14 « Je suis celui qui est », il fait plus que décliner son identité, il se révèle en personne. Donc garder les disciples dans son nom, c’est les garder en Dieu, et unis, c’est à dire tous ensemble. Et Jésus de mentionner avec tristesse celui qui a quitté le nom de Dieu et s’en va à sa perte, rappelé par St Pierre dans la première lecture, « Judas, qui en est venu à servir de guide aux gens qui ont arrêté Jésus ». Frères et soeurs, il est bon que Jésus prie pour que nous ne quittions jamais le nom de Dieu. Car qui peut dire qu’il sera fidèle jusqu’au bout ?

2ème demande : pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes

– Saint Jean-Paul II aimait appliquer cette prière à l’unité des chrétiens, en particulier dans son encyclique sur l’oecuménisme, « qu’ils soient un ».

– On peut aussi l’appliquer à l’unité de nos communautés catholiques. Les divisions ne sont pas d’aujourd’hui, mais les moyens modernes de communication amplifient les risques de division. Ce dimanche 12 mai, c’est dans l’Eglise universelle la journée mondiale des communications. Et le Pape François a écrit un message centré sur la révolution de l’intelligence artificielle dans la communication. Comme dit le pape, « selon l’orientation du cœur, tout ce qui est entre les mains de l’homme devient opportunité ou danger ». L’IA peut, « par exemple, rendre accessible (…) un énorme patrimoine de connaissances écrit dans le passé ou permettre aux gens de communiquer dans des langues qui leur sont inconnues. Mais (elle peut) aussi être (un) instrument (…) d’altération de la réalité par des récits partiellement ou totalement faux qui sont crus – et partagés – comme s’ils étaient vrais (…, et) qui utilisent aujourd’hui des “hyper trucages”, c’est-à-dire la création et la diffusion d’images qui semblent parfaitement plausibles mais qui sont fausses (…), ou des messages audio qui utilisent la voix d’une personne pour dire des choses qu’elle n’a jamais dites. » Cela est source de divisions. Il suffit de voir les punch line sur les réseaux sociaux ou les théories complotistes. Pour bien accueillir l’intelligence artificielle, dit encore le pape, « nous sommes appelés à grandir ensemble, en humanité et en tant qu’humanité ». A lire ! 

– Pour revenir à la prière de Jésus, il y a aussi un sens plus intérieur : qu’ils soient UN, c’est l’unité de vie. Présenter le même visage quel que soit mon interlocuteur, quelle que soit la journée. Je ne suis pas plus chrétiens avec mon voisin qu’avec mon conjoint, le dimanche que le lundi au boulot. L’unité de vie c’est aussi le respect de nos engagements conjugaux ou religieux ou sacerdotaux. 

La 3ème demande : pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.

Ce jeudi de l’Ascension, le pape François a signé la Bulle d’indiction du Jubilé 2025, intitulée « Spes non confundit, l’espérance ne déçoit pas ». En la survolant, j’ai été frappée par une phrase : « L’humanité ne se dirige pas vers un abîme ». Avouez qu’entre la guerre d’agression contre l’Ukraine et les menaces nucléaires civiles et militaires que font peser les dirigeants russes sur le monde entier, les menaces chinoises sur Taïwan, la 6ème extinction des espèces et le dérèglement climatique dont chacun peut aujourd’hui se rendre compte, il y a de quoi être inquiet. « L’imprévisibilité de l’avenir, dit le pape, suscite des sentiments parfois contradictoires : de la confiance à la peur, de la sérénité au découragement, de la certitude au doute. Nous rencontrons souvent des personnes découragées qui regardent l’avenir avec scepticisme et pessimisme, comme si rien ne pouvait leur apporter le bonheur. Puisse le Jubilé être pour chacun l’occasion de ranimer l’espérance. » Je vous invite fortement à lire la bulle du jubilé 2025.

La 4ème demande : « Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. »

« Délivre-nous du mal » prie-t-on dans le Notre-Père, c’est à dire non seulement du mal, mais aussi de l’auteur du mal, le Mauvais. Là aussi, frères et soeurs, il est bon que Jésus prie pour nous, et nous envoie en mission : « Au contraire, je les ai envoyé dans le monde. »

Enfin la 5ème demande : qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.

C’est à dire en lui, car un peu avant, au chapitre 14, 5-6, Jésus se présente ainsi : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » Jésus est la vérité personnifiée par exemple sur l’être humain. « Ecce homo, Voici l’homme » dira Pilate sans se rendre compte de la portée de ses paroles.  On peut aussi en tirer la conclusion que si Jésus est la vérité, tout ce qui porte au mensonge n’est pas de Dieu.

Chers frères et soeurs, devant son image, confions nous à l’intercession de la Madonne de Biancavilla ; pour que la prière de Jésus s’accomplisse en nous. Amen !