20240607 Toi du moins – homélie fête du Sacré-Coeur à Rosans

Vendredi 7 juin 2024 – Abbaye de RosansSolennité du Sacré-Cœur

(homélie non enregistrée)

Nous connaissons ces textes magnifiques du prophète Osée. Sa vie conjugale est le symbole de la relation de Dieu avec son peuple. Il décrit l’amour du Père céleste pour son fils, le peuple hébreu. Cela commence effectivement par une déclaration d’amour : « j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils. C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras, Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour. » Cet amour paternel se fait maternel : « je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. »

Mais entrelacé à cette déclaration d’amour, nous entendons la plainte de ce cœur de père tourmenté :

– « il n’a pas compris que je venais à son secours »,

  • « ils ont refusé de revenir à moi ».
  • « Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent ».

Devant tant d’infidélité les hommes puniraient. Combien de fois entendons-nous : cela je ne le pardonnerai jamais.

Mais Dieu ne punit pas ; Il prend pitié et lance un appel : 
« Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer. » L’appel est là : reconnaissez-moi comme étant « au milieu de vous le Dieu saint ».

Petit à petit, Israël va découvrir combien Dieu est un père. C’est l’expérience de son histoire qui a conduit Israël à appeler Dieu son Père : l’Exode, l’Exil … lui a fait expérimenter combien Dieu est un Dieu tendre et miséricordieux, en dépit de ses propres infidélités.

Dans l’évangile, la révélation de l’amour de Dieu se fait par le récit du côté transpercé. Jésus est mort ; il ne peut plus rien faire. Tout est dans les mains du Père. Jésus aurait dû avoir les jambes brisées pour s’assurer que le crucifié était bien mort ou pour la hâter et ce avant le sabbat pour que celui-ci ne soit pas profané par le spectacle de trois malfaiteurs crucifiés : « il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. » Mais Dieu veille, « quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes » et St Jean signale que c’est « pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé ». A la place « un des soldats avec sa lance lui perça le côté ». St Jean alors précisément « et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau ». Il insiste sur l’importance de ce fait : « Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. »

Le cœur de Jésus est devenu une source. Le sang manifeste que la mort de Jésus est féconde, l’eau représente l’Esprit Saint que nous recevrons après sa mort, Jésus ayant « remis l’esprit » comme le notait Jean. Les pères de l’Église y ont vu aussi les symboles du baptême et de l’eucharistie.

Le prophète Ézéchiel avait prophétisé qu’après le retour d’exil, le nouveau temps aurait une source sur son côté droit, d’abord petite puis toujours plus abondante jusqu’à devenir un fleuve infranchissable qui purifiera la mer morte et la rendra féconde. Jésus accomplit cette prophétie. Lui qui avait également prédit : « détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai. »

Devant ce mystère de la fécondité de la Croix, Paul est plein d’enthousiasme pour « mettre en lumière pour tous le contenu du mystère qui était caché depuis toujours en Dieu ». Il confirme la réalisation des prophéties : « C’est le projet éternel que Dieu a réalisé dans le Christ Jésus notre Seigneur. » Et en tire la conclusion pour chacun de nous : « Et notre foi au Christ nous donne l’assurance nécessaire pour accéder auprès de Dieu en toute confiance. » Nous ne nous lassons pas de relire les appels de st Paul aux Éphésiens : « Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. »

Cette fête du Sacré-Cœur nous aide à « comprendre quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… à connaître ce qui surpasse toute connaissance : l’amour du Christ. » Oui, notre désir est bien d’être « comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu. »

Nous vivons cette année la grâce du jubilé des 350 ans des apparitions de Jésus à Sainte Marguerite-Marie à Paray-le-Monial. A l’audience générale du 5 juin dernier, le pape François a déclaré : « Nous vivons actuellement ce mois dédié au Sacré-Cœur. Le 27 décembre de l’année dernière a marqué le 350e anniversaire de la première manifestation du Sacré-Cœur de Jésus à Sainte Marguerite-Marie Alacoque (le 27 décembre 1673). Cette occasion a marqué le début d’une période de célébrations qui s’achèvera le 27 juin de l’année prochaine. (et le pape fait une annonce :) C’est pourquoi je suis heureux de préparer un document qui rassemble les précieuses réflexions des textes magistériels précédents et une longue histoire qui remonte aux Saintes Écritures, afin de reproposer aujourd’hui à toute l’Église ce culte chargé de beauté spirituelle. Je crois que cela nous fera beaucoup de bien de méditer sur les différents aspects de l’amour du Seigneur qui puissent éclairer le chemin du renouveau ecclésial, mais aussi qui disent quelque chose de significatif à un monde qui semble avoir perdu le cœur. Je vous demande de m’accompagner dans la prière, pendant ce temps de préparation, avec l’intention de rendre ce document public en septembre prochain. » Fin de citation.

Le message de Paray le Monial, à l’origine de la fête du Sacré-Cœur, comme la prophétie d’Osée, est en trois parties. Sainte Marguerite-Marie reçoit sa mission en trois étapes.

– Tout d’abord, Jésus lui déclare son amour : « mon Cœur est si passionné d’amour pour tous les hommes et pour toi en particulier ».

– Ensuite il se plaint car son amour n’est pas aimé et ne reçoit de la plupart « qu’ingratitudes et indifférences ». Ces manques d’amour lui sont notamment très sensibles dans le sacrement de l’Eucharistie en particulier, de la part de ceux et celles qui lui sont consacrés.

–  Enfin, Jésus demande, en réparation, une fête pour honorer son divin Cœur ; qui deviendra la fête du Sacré-Cœur, que nous célébrons ce jour. C’est le grand développement de Paray : la réparation. Le terme latin employé par les Pères de l’Église est la redamatio, qui vient de red-amare, aimer en retour. « Rendre amour pour amour », est d’ailleurs le thème choisi pour le jubilé 2023-2025 à Paray-le-Monial. Car Marguerite-Marie désirait se consumer devant le saint Sacrement, « en sa présence, dit-elle, comme un cierge ardent, pour lui rendre amour pour amour » (A13) ; après les communions, Jésus la « pressait si fort de lui rendre amour pour amour » (A30). La réparation demandée à Paray est une réparation d’amour : « [Toi] du moins, donne-moi ce plaisir » demandera Jésus à la sainte de Paray. (A56). Le père Edouard Glotin, le grand jésuite spécialiste du Cœur de Jésus, donnait une définition de la réparation : « Un long regard d’amour et de reconnaissance jeté sur Celui qui porte dans son Cœur une si poignante douleur devant l’ingratitude de son peuple ». Restons en silence, portons ce regard d’amour et de reconnaissance sur le Seigneur Jésus. Amen !

 

Profession solennelle de Sr Jacinthe VIGNAUD à l’abbaye de Rosans le 16 juillet 2024