La tactique du diable – homélie confirmations lycéens

Samedi 8 juin 2024 – Confirmations lycéens – 18:00 église des Cordeliers

« Il est possédé par Béelzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons. » Jésus est accusé d’être complice du prince des démons, complice du tentateur, du diviseur. Qui est ce chef des démons ? Le livre de la Genèse nous en parle dans la première lecture que nous avons entendue. Immédiatement après le péché originel, Dieu vient à la rencontre d’Adam qui se cache. « Lorsqu’Adam eut mangé du fruit de l’arbre, le Seigneur Dieu l’appela et lui dit : Où es-tu donc ? » Adam, qui a été le complice de satan, répond à Dieu : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. » Il reconnaît qu’il n’est plus dans sa simplicité originelle, la sincérité, la vérité, mais qu’il s’est refermé sur lui-même. C’est souvent ce qui nous arrive après avoir péché, nous renfermer sur nous-même, nous voudrions nous cacher de Dieu. Nous nous cherchons aussi des excuses, tout comme Adam et Eve, qui renvoient chacun la faute sur un autre : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. » Le Seigneur Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m’a trompée. » Adam accuse sa compagne, et Eve accuse le serpent. Dieu alors maudit le serpent : « Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. » 

Le serpent est le symbole de satan. Il est insaisissable, il vient par surprise, il est dangereux et souvent mortel… même si en France métropolitaine le seul serpent dangereux est la vipère ! Je me suis amusé à chercher comment les serpents tuent leur proies : Certains peuvent tuer leur proie en les serrant jusqu’à provoquer un arrêt cardiaque. D’autres peuvent aussi cracher leur venin à distance sur les humains, après s’être relevé. On pourrait détailler ainsi les différentes tactiques du diables en regardant les tactiques du serpent. Il y a un livre surprenant de CS Lewis, auteur des ‘Chroniques de Narnia’, + en 1963, converti au christianisme sous l’influence de son ami Tolkien l’auteur du « Seigneur des anneaux », intitulé ‘Tactique du diable – Lettres d’un vétéran de la tentation à un novice’. C’est la correspondance supposée d’un démon expérimenté avec un démon novice dans l’art de la tentation. L’aîné explique à son pupille les meilleures méthodes à employer pour piéger le jeune homme dont il a la charge et semer d’embûches sa vie quotidienne de toutes les manières possibles. Il le félicite chaque fois que le pauvre garçon cède à la tentation, grande ou petite, l’admoneste dans le cas contraire, et est d’une fureur noire quand cette âme leur échappe définitivement. Derrière ce procédé littéraire il y a une analyse très fine de nombre de tentations, afin de nous aider à y résister.

Une bonne tentation, pour le démon expérimenté, n’a pas besoin d’être spectaculaire, il suffit qu’elle organise insidieusement la vie de l’individu attaqué, si bien qu’il n’est pas nécessaire d’en chercher d’autres pour l’égarer, de préférence définitivement.

Prenons par exemple le cas de la gourmandise dont on ne comprend même plus aujourd’hui pourquoi elle figure dans la liste des péchés capitaux, alors que ce que les Anciens appelaient « gula », mot plus énergique que notre fade « gourmandise » et deux traduit par « gloutonnerie », était déjà un vice pour eux. Elle ne consiste évidemment pas dans le fait de préférer le foie gras au pâté de foie et le bon vin à la piquette, mais à donner à ce type de préférence une place disproportionnée dans sa vie, au risque de graves négligences. Songeons au curé du conte de Daudet « Les trois messes basses », dans Les Lettres de mon moulin, obsédé par le réveillon pendant les messes de Noël au point de célébrer à toute vitesse pour aller s’empiffrer. D’une manière plus globale, les deux grandes tactiques du démon est soit de faire croire qu’il est tout puissant, on voit alors le diable partout, soit de faire croire qu’il n’existe pas, et on ne le voit nul part.

Chers frères et soeurs, ce long développement peut nous semble loin du sacrement de la confirmation que nous célébrons ce soir !

La tactique du diable pourrait nous faire perdre notre espérance sur notre capacité à devenir des saints. Oui si nous étions seuls. Mais Dieu est avec nous, Jésus nous a envoyé son Esprit Saint, avec ses 7 dons, qui nous assistent dans notre vie quotidienne. Permettez-moi comme une dernière révision de les reprendre : 

La sagesse : elle fait goûter la présence de Dieu, dans un plus grand compagnonnage avec lui, et un plus grand dynamisme missionnaire. 

L’intelligence : elle aide à entrer dans le mystère de Dieu, à comprendre de l’intérieur la foi, les Écritures, à distinguer l’erreur de la vérité.

La science : elle permet de reconnaître Dieu à l’oeuvre dans la nature et dans l’histoire, de recevoir le monde comme un don de Dieu. 

La force : elle donne la persévérance dans l’épreuve, le courage du témoignage. Elle soutient les martyrs mais aide aussi au quotidien à accomplir son devoir d’état et à vivre le combat spirituel.

Le conseil : c’est le don du discernement spirituel. Il ajuste ce qu’il convient de faire ou d’éviter, de dire ou de taire. Il dispose à voir clair en soi et dans les autres.

La piété filiale : elle fait entrer dans l’expérience de la paternité de Dieu, de sa proximité, de sa tendresse. Elle nous donne la confiance de l’enfant. Elle nous rend proche aussi des autres.

La crainte filiale : ce n’est pas la peur de Dieu mais le sens de sa grandeur. La conscience de l’infinie distance entre le Tout-Autre et nous, ses créatures. Ce don suscite une attitude d’humilité et d’émerveillement.

Confirmés, nous sommes bien équipés. Encore faut-il prier l’Esprit Saint. C’est peut-être cela dont Jésus parle quand il dit : « si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. » Le blasphème contre l’Esprit Saint, c’est de l’oublier.  Alors chers amis confirmands, soyez confiants et priez souvent l’Esprit Saint.

D’autant que nous ne sommes pas seuls sur le chemin de notre vie. Dieu l’annonçait au serpent « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. » C’était comme une première annonce de la venue de Jésus. Il est le Fils de la Vierge Marie, le fils de la Femme qui écrasera le serpent. Il n’a jamais été le complice du serpent. Il peut d’ailleurs facilement réfuter l’accusation illogique : « Comment Satan peut-il expulser Satan ? » et Jésus annonce la victoire finale contre Satan : « c’en est fini de lui ».

Notre monde, nous-mêmes sommes à l’aurore. La nuit est finie. Satan a été vaincu par la résurrection de Jésus, mais le jour n’est pas encore totalement là, c’est l’aurore. Comme dit st Paul dans notre seconde lecture : « nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et il nous placera près de lui avec vous. ».