Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? Homélie Ascension 2024 cathédrale de Gap

Jeudi de l’Ascension 9 mai 2024 en la cathédrale de Gap

« Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? » Dans le récit de Luc, dans son second livre qu’on appelle les Actes des apôtres, on trouve ce reproche fait aux apôtres, par deux hommes en vêtement blanc, que la tradition assimile à des anges. Ils nous disent que si le désir du Ciel est une grâce, ce désir ne doit pas nous détourner de regarder la terre ! Vous avez les deux parties de mon homélie. 

I. Le désir du Ciel est une grâce

et une grâce à demander, comme nous le ferons dans quelques instants au moment de la présentation des offrandes : « nous t’en prions, fais que cet échange très saint élève nos cœurs vers les réalités célestes ». 

Si on prends le mystère de l’Ascension par son versant le plus vertigineux, on voit que la Résurrection et l’Ascension sont un seul et unique mouvement qui élève le Seigneur dans la gloire et nous emporte avec lui. Pâques s’accomplit dans le corps du « Christ total », comme disent les théologiens, la tête, le Christ, et membres, vous et moi. A l’Ascension, les apôtres ont contemplés l’intégration d’une humanité, à la fois glorieuse et semblable à la nôtre, au sein de la vie trinitaire ; c’est le mouvement ascendant. C’est sans doute encore plus inouï que le mouvement descendant d’un Dieu qui s’est fait homme. C’est bien la nature humaine du Crucifié qui est élevée au ciel, c’est à dire notre nature, au point même que son élévation est la nôtre.

Saint Paul explique aux Ephésiens ce que veut dire « monté au Cieux » : « Que veut dire : Il est monté ? – Cela veut dire qu’il était d’abord descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers. »

À partir de l’Ascension, l’humanité du Christ est au ciel, et le Christ a soustrait à ses disciples la présence visible de son corps. Cependant, sa nature humaine, et le mystère de l’incarnation qu’elle porte, sont toujours actuels. Le Christ, élevé dans la gloire du Père, est toujours par son humanité le chemin qui mène à la divinité, il en est aussi désormais le but, la patrie, puisqu’en lui est la plénitude de la divinité. 

Pour le théologien Hans Urs von Balthasar, l’Ascension constitue pour le Christ à la fois un achèvement, « l’aboutissement “logique” de sa descente sur terre », et un commencement, « la première et décisive étape pour introduire les siens à son attitude fondamentale », d’être avec le Père. 

St Paul dit encore aux Ephésiens : « Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance ». C’est l’espérance du Ciel, de notre patrie céleste. C’est notre désir du Ciel. Cette semaine, on m’a partagé le témoignage d’une femme consacrée, qui a plein de caillots dans le sang partout dans son corps, et qui peut donc partir à tout moment. Et bien cela la met dans une grande joie et une grande confiance. Quand Dieu voudra !

Vous l’avez compris, comme le dit la liturgie de ce jour, dans un ajout à la Prière Eucharistique I, « ayant pris notre nature humaine avec sa faiblesse, il la fit entrer dans la gloire ». 

II. Pour autant, et c’est ma seconde partie, si le désir du Ciel est une grâce, ce désir ne doit pas nous détourner de regarder la terre !

L’ascension ne nous porte pas à une évasion de notre condition humaine. Car notre mission n’est pas encore au Ciel, mais sur la terre. 

L’Ascension est de manière paradoxale, la condition préalable d’un nouveau rapport au monde, un rapport de plus grande proximité, d’abord pour le Christ, car Il devient « assez haut placé pour attirer à soi tous les temps et tous les lieux », mais aussi pour chacun de nous. Peut-être connaissez vous ce texte remarquable du second siècle, l’épitre à Diognète, qui en parle : « « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. (…) Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. (…) Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. (…) En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans les membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais n’appartiennent pas au monde. » (Epître à Diognète, §5-6)
En résumé, être dans le monde sans être du monde.

A l’Ascension Jésus précise les conditions de notre mission, en 4 points.

1/ Elle se fait en sa présence : la vie terrestre de Jésus-Christ n’est pas du passé. Par l’Ascension, elle est éternisée, autrement dit, elle s’offre désormais dans une « simultanéité » intemporelle : contemporaine de tous les instants. Jésus a promis aux siens de demeurer avec eux jusque la fin du monde.

2/ Et pour cela il promet à ses apôtres l’Esprit Saint : « vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ».

3/ Il les envois jusqu’aux extrémités de la terre : « vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » et dans l’évangile selon st Marc : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. » Notre mission est d’être témoin de la présence de Jésus à notre monde.

4/ Pour cela, st Paul précise aux Ephésiens : « les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude ». Voilà la place de l’Eglise, institution organisée, dans le plan divin du salut.

En résumé, si l’Ascension, comme les apôtres, nous invite à regarder le Ciel et à comprendre que c’est notre bonheur sans fin, Jésus nous envoie en mission sur cette terre, pour entraîner tous les hommes au Ciel.

C’est toute la force de l’expression de la vision pastorale diocésaine intitulée « Mission Altitude » : en mission dans nos vallées pour faire lever les yeux vers le Ciel ! Et pour cela prendre soin, non seulement des âmes, mais aussi des corps, appelés aussi un jour à la Résurrection finale. 

Prendre soin de nos frères et soeurs, c’est en particulier prendre soin des plus souffrants actuellement, les victimes des guerres en Europe, en Palestine et ailleurs dans le monde. Ce jour du 9 mai, jour de l’Europe, nous terminons une neuvaine diocésaine, lancée avec le sanctuaire ND du Laus, pour la paix sur le continent européen. Elle a commencée le 1er mai, fête de ND du Laus ; mais vous pouvez aussi la commencer aujourd’hui, en prenant le texte sur le site internet du diocèse, et prier pendant 9 jours une très belle prière par l’intercession de ND du Laus et de la vénérable Benoite. Si la guerre ne va pas s’arrêter par magie, nous avons fait une partie de notre devoir de chrétiens, porter au Seigneur la souffrance des hommes , ce mal de la guerre, et finalement nous avons prié pour un renouvellement de notre espérance. Pèlerins de l’espérance, c’est le thème du grand jubilé de l’an 2025, que nous préparons par cette année de la prière. C’est ce jour que le Pape va signer la bulle d’indiction du Jubilé, qui va nous  donner quelques précisions et nous permettre d’avancer dans sa préparation. En ce jour, invoquons le Christ monté au Ciel pour être renouvelé dans notre espérance du Ciel et pour le monde. Amen !